Faits
[…]
B.
Par requête de mesures superprovisionnelles et provisionnelles du 5 février 2020, B.________ a demandé à la Chambre civile de la Cour de justice du canton de Genève d’ordonner à A.________ SA de cesser immédiatement l’utilisation illicite du logiciel qu’elle avait créé et développé et d’arrêter de faire usage de sa base de données, de lui interdire d’entrer en contact avec ses clients et de lui donner l’ordre de produire la liste des clients déjà contactés par elle, le tout sous la menace de la peine d’amende prévue par l’art. 292 CP ainsi que sous la menace d’une amende d’ordre de 1’000 fr. par jour d’inexécution.
Le 6 février 2020, la cour cantonale a rejeté la requête de mesures superprovisionnelles.
Par arrêt du 11 mai 2020, la Chambre civile a partiellement fait droit à la requête de mesures provisionnelles et interdit à l’intimée d’utiliser les logiciels V.________ et W.________ ainsi que tout autre logiciel identique de D.________ SA, sous la menace de la peine d’amende prévue par l’art. 292 CP. […]
Considérant en droit :
[…]
1.2. Le recours en matière civile n’est recevable que contre les décisions finales (art. 90 LTF), les décisions partielles (art. 91 LTF) et, sous réserve des cas visés à l’art. 92 LTF, les décisions incidentes notifiées séparément (art. 93 al. 1 LTF) si celles-ci peuvent causer un préjudice irréparable (let. a) ou si l’admission du recours peut conduire immédiatement à une décision finale permettant d’éviter une procédure probatoire longue et coûteuse (let. b).
1.3. En l’occurrence, le recours est dirigé contre une décision sur mesures provisionnelles. Une telle décision est finale au sens de l’art. 90 LTF lorsqu’elle est rendue dans une procédure indépendante d’une procédure principale et qu’elle y met un terme (ATF 138 III 76 consid. 1.2 p. 79; 137 III 324 consid. 1.1 p. 328; 134 I 83 consid. 3.1 p. 86). Tel n’est pas le cas en l’espèce, dès lors que l’autorité cantonale, qui a ordonné lesdites mesures, a imparti à la requérante un délai pour faire valoir son droit en justice. Les mesures provisionnelles ici en cause sont ainsi destinées à se greffer sur une procédure principale sur le fond sans laquelle elles ne peuvent subsister. En pareil cas, la décision sur mesures provisionnelles – que la requête soit admise ou rejetée – est qualifiée de décision incidente (ATF 138 III 76 consid. 1.2 p. 79; 137 III 324 consid. 1.1 p. 328).
1.4. La recevabilité du recours en matière civile suppose en conséquence que la décision entreprise soit de nature à causer à la recourante un préjudice irréparable aux termes de l’art. 93 al. 1 let. a LTF, la condition de l’art. 93 al. 1 let. b LTF étant d’emblée exclue s’agissant de mesures provisionnelles (ATF 138 III 333 consid. 1.3; 137 III 589 consid. 1.2.3).
Un préjudice ne peut être qualifié d’irréparable au sens de l’art. 93 al. 1 let. a LTF que s’il cause un inconvénient de nature juridique; tel est le cas lorsqu’une décision finale, même favorable à la partie recourante, ne le ferait pas disparaître entièrement (ATF 142 III 798 consid. 2.2; arrêt 5A_244/2020 du 27 août 2020 consid. 1.2.1). En revanche, un dommage économique ou de pur fait, tel que l’accroissement des frais de la procédure ou la prolongation de celle-ci, n’est pas considéré comme un préjudice irréparable de ce point de vue (ATF 142 III 798 consid. 2.2; 141 III 80 consid. 1.2 p. 80; 133 III 629 consid. 2.3.1 et les arrêts cités). Cette réglementation est fondée sur des motifs d’économie de la procédure, le Tribunal fédéral ne devant en principe s’occuper d’une affaire qu’une seule fois (ATF 142 III 798 consid. 2.2; 141 III 80 consid. 1.2 p. 81). Il incombe à la partie recourante d’indiquer de manière détaillée en quoi elle se trouve menacée d’un préjudice juridique irréparable par la décision de mesures provisionnelles qu’elle conteste; à ce défaut, le recours est irrecevable (ATF 142 III 798 consid. 2.2; 141 III 80 consid. 1.2; 137 III 324 consid. 1.1 p. 329).
1.5. En l’espèce, les éléments ressortant de la décision attaquée ne laissent pas apparaître à l’évidence que les mesures provisionnelles ordonnées seraient propres à entraîner pour la recourante un préjudice irréparable au sens décrit plus haut. En effet, les mesures provisionnelles ordonnées sont des mesures d’exécution anticipée provisoires. Par conséquent, l’interdiction d’utiliser certains types de logiciels, ordonnée à titre provisoire par voie de mesures provisionnelles, sera définitivement tranchée dans le jugement au fond à venir. La question juridique litigieuse pourra dès lors être examinée par le Tribunal fédéral en cas de recours dirigé contre l’arrêt final. Aussi une décision finale favorable à la recourante permettrait-elle de faire disparaître le préjudice découlant de l’interdiction d’utiliser les logiciels litigieux.
1.6. La recourante soutient que l’interdiction qui lui est faite d’utiliser le logiciel W.________ l’empêche d’achever sa phase de tests et d’améliorer son offre de services de représentation et d’agent payeur, entravant ainsi son développement économique par rapport à ses concurrents. Le préjudice résulterait dès lors de l’impossibilité pour la recourante d‘ “ étoffer “ ses services à brève échéance. Selon elle, il existerait un préjudice de nature juridique découlant de l’impossibilité d’établir le développement économique qui aurait été le sien si elle avait pu utiliser ledit logiciel et en proposer les fonctionnalités à ses clients.
1.6.1. Il est vrai que le Tribunal fédéral a admis, dans des situations exceptionnelles, l’existence d’un préjudice irréparable lorsqu’une partie ne peut pas lancer son produit sur le marché, qu’elle est entravée dans son développement économique et qu’elle est pratiquement dans l’impossibilité de démontrer le préjudice réellement subi pendant la durée de la procédure risquant en outre de n’avoir aucun moyen à sa disposition le moment venu pour faire valoir son droit à une indemnisation (ATF 139 III 86 consid. 1.2; arrêt 4A_36/2012 du 26 juin 2012 consid. 1.3.1).
1.6.2. La recourante ne démontre toutefois pas se trouver dans une telle situation.
En l’occurrence, il ressort de l’arrêt attaqué que, de l’avis même de l’intéressée, “ l’utilisation ou non du logiciel ne serait pas de nature à influencer la décision de clients de la rejoindre et qu’elle n’utiliserait d’ailleurs pas le logiciel “ (décision attaquée, p. 14). Dans ces conditions, il est très douteux que la recourante risque de subir un préjudice irréparable. L’interdiction d’utiliser le logiciel n’est pas synonyme de perte de clientèle et n’empêche nullement l’intéressée de poursuivre ses activités et d’offrir ses services d’agent payeur et de représentation aux fonds de placements collectifs de capitaux étrangers. C’est le lieu de préciser que le logiciel W.________ vise, dans une large mesure, à automatiser des tâches qui se font généralement manuellement. Bien que l’interdiction de faire usage du programme informatique litigieux puisse ralentir l’exécution de certaines opérations, il n’en demeure pas moins que celles-ci peuvent cependant toujours être réalisées manuellement. Les mesures provisionnelles ordonnées en l’espèce ne privent dès lors pas la recourante de la possibilité d’étendre ses parts de marché en contractant avec de nouveaux clients.
Quant au risque évoqué par la recourante de voir son développement économique entravé, force est de relever que l’intéressée n’a jamais précisé, ne serait-ce qu’approximativement, le moment auquel elle serait en mesure d’exploiter le logiciel litigieux à des fins commerciales. La recourante concède du reste elle-même qu‘ „une mise sur le marché, bien que prévue à court terme, n’était pas imminente“. Aussi n’est-il pas possible de retenir que la recourante aurait nécessairement été en mesure d’attirer de nouveaux clients grâce au logiciel litigieux avant que les prétentions de l’intimée ne soient tranchées sur le fond. Dans ces conditions, force est d’admettre que l’argumentation développée par la recourante relativement à l’existence d’un préjudice irréparable relève de la pure conjecture.
On relèvera encore que la présente cause n’est pas comparable à celle examinée par le Tribunal fédéral dans un arrêt du 26 juin 2012 (cause 4A_36/2012). Le recours à l’origine de ce dernier arrêt émanait d’un concurrent d’une entreprise déjà solidement implantée sur le marché qui était empêché de lancer son produit sur le marché. Ce concurrent subissait un préjudice allant au-delà du préjudice financier résultant de la perte de certaines affaires déterminées. En raison de l’interdiction qui avait été signifiée, le concurrent était en effet limité de façon générale dans son développement économique par rapport à son concurrent direct. Dans la présente espèce, la situation est tout autre puisque la recourante conserve la possibilité d’offrir l’intégralité de ses services, quand bien même elle ne peut pas avoir recours au logiciel litigieux. En outre, il n’est pas établi que l’intéressée aurait été en mesure d’exploiter le logiciel à des fins commerciales dans un avenir proche.
Pour le surplus, les considérations émises par la recourante au sujet de l’évolution future de la législation relative aux placements collectifs de capitaux sont dénuées de pertinence ici. Par ailleurs, le simple fait que certains établissements de la place financière genevoise utilisent le logiciel litigieux ne suffit pas, à lui seul, à établir le risque de subir un préjudice irréparable.
La condition du préjudice irréparable au sens de l’art. 93 al. 1 let. a LTF n’est dès lors pas réalisée. Il suit de là que le recours est irrecevable.
Quelle: www.bger.ch
www.softwarevertraege.ch