Cour de justice de Genève du 14 novembre 2008 Chambre civile / C/23681/2006, ACJC/1372/2008 (GE)

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Nicht amtliche Leitsätze: Zwingender Charakter von Art. 21 URG, von dem nicht zuungunsten des Anwenders abgewichen werden kann. Art. 21 URG gilt nur zugunsten des Erwerbers des Propgrammexemplars und nicht zugunsten des Lizenznehmers (E. 5.2). Die Übergabe des Sourcecodes führt nicht ohne weiteres auch zur Übertragung der Urheberrechte am Computerprogramm. Aufgrund des Rechts den Sourcecode zu erhalten, ist der Anwender auch berechtigt, den Sourcecode zu bearbeiten und zu dekompilieren (E.5.4). Falls der Anwender zur Dekompilierung des Computerprogramms berechtigt ist, führt dies nicht zu einer unrechtmässsigen Verletzung des Fabrikationsgeheimnisses im Sinne von Art. 6 UWG. In diesem Fall liegt auch keine unrechtmässige Verwertung der Leistungen des Lieferanten gemäss Art. 5 UWG vor.

A teneur de deux contrats signés le 21 décembre 2000, la Banque „X“ a commandé à la société „Y“ la réalisation d’un système informatique de e-banking permettant à ses clients de consulter de manière sécurisée sur Internet certaines informations confidentielles les concernant. D’entente avec sa cliente, „Y“ a confié la réalisation de l’application de e-banking à la société „Z“. Auparavant, Z avait déjà signé avec Y un contrat-cadre destiné à régler leur future collaboration. L’art. 6 relatif aux droits de propriété et d’utilisation précisait:

„6.1. Y détient un droit de propriété et de jouissance exclusif et illimité sur les résultats du travail de Z sauf s‘il s’agit de produits standards (de Z) selon le catalogue des logiciels de Y.

(…)

6.2. Y détient également un droit de jouissance illimité, mais dans ce cas non exclusif, sur les macro-instructions, les sous-programmes et les programmes ainsi que les autres éléments (données de tests etc.) qui constituent une condition préalable à la réalisation du travail (de Z), mais ce uniquement dans la mesure où de tels éléments font partie du programme.

L’art. 9 du contrat-cadre instituait encore un délai de garantie de six mois à compter de l’acceptation du projet, pendant lequel Z s’engageait à corriger gratuitement les défauts annoncés par Y en la forme écrite. A l’expiration du délai, Z devait assurer la maintenance du matériel livré par lui pendant une période de cinq ans contre imputation de ses frais courants.

Au milieu de juin 2001, Z a fourni les logiciels destinés à l’application de e-banking, qui ont été tenus pour adéquats après des tests aussi bien par X que par Y. En revanche, X et Y ont ajouté n’avoir pas reçu les codes-sources de l’application de e-banking, malgré leurs demandes répétées, tandis que Z a affirmé les avoir au contraire remis, sans être néanmoins en mesure de produire un document corroborant son allégation.

Au mois de janvier 2004, des clients de X se sont plaints de déconnexions intempestives, lorsqu’ils cherchaient à consulter leurs portefeuilles de titres par le truchement du e-banking existant. Le 4 février 2004, X s’est adressé à Z pour tenter de trouver la cause des déconnexions subites avec le système, sans parvenir à un accord. Il a alors demandé à Y de régler le problème existant dans les meilleurs délais. Puisque ni X ni Y ne possédaient les codes-sources de l’application de e-banking, ils décidèrent de procéder à la décompilation des logiciels livrés par Z, sans en informer ce dernier.

A la suite de la décompilation intervenue le samedi 7 et le dimanche 8 février 2004, Y obtint la confirmation que les déconnexions intempestives du e-banking étaient dues à une conception inappropriée du logiciel et corrigea le programme au moyen d’une légère modification des instructions. Pour les services rendus, Y adressa à X, le 16 février 2004, une facture de 12 000 fr. qui énumérait les détails de l’intervention.

Le 12 avril 2005, Z a protesté auprès de X et de Y, en dénonçant le fait que le décryptage entrepris sans autorisation avait mis à jour les codes-sources et la librairie de composants intégrée dans les programmes, dont Z était restée seule propriétaire. Les 4 et 6 avril 2006, Z a fait notifier à X et à Y des commandements de payer la somme de 1 000 000 fr. pour le dommage causé par la décompilation. Les débitrices ont formé opposition. Le 4 octobre 2006, en se fondant sur les mêmes griefs que ceux dénoncés précédemment, Z a saisi la Cour de justice de Genève de la présente action fondée sur la LDA et la LCD à l’encontre de X et de Y en paiement de 181 808 fr. correspondant aux redevances qu’elle aurait pu percevoir pour un contrat de maintenance du système de e-banking, calculées pendant cinq ans et demi sur une base annuelle de 20% du prix des logiciels livrés. X et Y se sont opposées à la demande, en objectant qu’aucun catalogue de produits standards n’avait été établi, dont Z se serait réservé la propriété selon les art. 6.1 et 7.1 du contrat-cadre signé les 20 et 26 septembre 2000. X serait au contraire devenu propriétaire des logiciels de e-banking dans leur intégralité, en dépit du fait que les codes-sources des programmes n’avaient pas été remis à la banque. Au demeurant, même s’il s’était agi de macro-instructions de la demanderesse au sens de l’art. 6.2 du contrat-cadre, la décompilation, entreprise pour corriger une erreur de programmation et pour assurer le fonctionnement adéquat du système, se révélait légitime.

Considérants:

5.

5.1 Selon l’art. 21 LDA, la personne autorisée à utiliser un logiciel peut se procurer, par le décryptage du code du programme, des informations sur des interfaces avec des programmes développés de manière indépendante. Elle peut opérer elle-même la décompilation ou mandater un tiers (al. 1). Les informations sur des interfaces obtenues par le décryptage du code du programme ne peuvent être utilisées que pour développer, entretenir et utiliser des logiciels interopérables, pourvu qu’une telle utilisation ne porte pas atteinte à l’exploitation normale du programme, ni ne cause un préjudice injustifié aux intérêts légitimes de l’ayant droit (al. 2).

L’art. 21 LDA ne figurait pas dans le deuxième projet présenté le 19 juin 1989 à l’appui de la révision de la loi sur le droit d’auteur et a été introduit parallèlement à l’adhésion de la Suisse à l’Espace économique européen, de manière à traduire la volonté du législateur helvétique de s’aligner sur la directive des Communautés européennes du 14 mai 1991 relative à la protection juridique des programmes d’ordinateurs (D. Barrelet/W. Egloff, Le nouveau droit d’auteur: commentaire de la loi fédérale sur le droit d’auteur et les droits voisins, 2ème éd. 2000, LDA 21 N 1; E.F. Neff/M. Arn, SIWR II/2, Bâle 1995, 300-301, n. 39).

L’exception à la protection réservée par l’art. 21 LDA a un caractère impératif, en ce sens qu’elle ne peut pas être limitée au préjudice de l’utilisateur (Barrelet/Egloff, LDA 21 N 1; Neff/Arn, 301 n. 37).

Selon une partie de la doctrine, la décompilation prévue par la norme précitée peut être entreprise par la personne autorisée à utiliser la copie correspondante du programme, respectivement par le tiers qu’elle a mandaté dans le cadre des droits reconnus par l’art. 12 al. 2 LDA, mais à l’exclusion du simple licencié (Neff/Arn, 301 n. 39 citant également les opinions contraires).

5.2 Afin d’assurer la conformité du droit suisse avec le droit européen, l’art. 17 ODAu précise que les informations nécessaires sur les interfaces, au sens de l’art. 21 LDA, sont celles qui sont indispensables à l’élaboration de l’interopérabilité d’un programme développé indépendamment et qui ne sont pas librement accessibles à l’utilisateur du programme (al. 2). Il y a par ailleurs atteinte à l’exploitation normale du programme au sens de l’art. 21 al. 2 LDA, notamment lorsque les informations des interfaces obtenues lors du décryptage sont utilisées pour le développement, l’élaboration et la commercialisation d’un programme dont l’expression est fondamentalement similaire (al. 3).

La formulation de l’art. 17 ODAu a suscité des critiques; certains auteurs se sont notamment demandés si les principes ainsi posés sortaient du cadre de la protection voulue par l’art. 6 des directives des Communautés européennes de 1991 (Neff/Arn, 301).

5.3 La doctrine admet de manière générale que les art. 21 LDA et 17 ODAu doivent être interprétés à la lumière des principes posés par la directive (G. Fröhlich-Bleuler, Urheberrechtliche Nutzungsbefugnisse des EDV-Anwenders, PJA 1995, 576, 577-578 et les références citées sous consid. 5.1).

Le décryptage est donc uniquement autorisé pour assurer l’interopérabilité de plusieurs programmes développés séparément, y compris entre plusieurs ordinateurs (Neff/Arn, 302-303; Fröhlich-Bleuler, 577). Le second auteur cité estime que la décompilation peut légitimement intervenir pour permettre le développement et la maintenance de plusieurs programmes interopérables. Selon une autre opinion de la doctrine allemande, le décryptage de logiciels n’est en revanche pas autorisé à des fins de maintenance d’un logiciel (J. Marly, Urheberrechtsschutz für Computersoftware in der Europäischen Union, Munich 1995, 314-315). Comme on le verra, point n’est besoin dans le cas d’espèce de se prononcer sur la divergence évoquée ci-dessus.

L’art. 17 al. 2 ODAu subordonne enfin la légitimité de la décompilation à l’impossibilité pour l’utilisateur d’obtenir, dans un délai et à un coût raisonnables, les informations nécessaires sur l’interopérabilité des programmes en s’adressant au fournisseur (Fröhlich-Bleuler, 577 n. 94-95; Neff/Arn, 303).

5.4 Selon les déclarations concordantes des parties et de plusieurs témoins, la seconde défenderesse devait recevoir les codes-sources de l’application de e-banking qu’elle a commandée.

Conformément à la règle posée par l’art. 16 al. 3 LDA, la remise des codes sources n’impliquait pas automatiquement que la banque se voyait transférer les droits d’auteur sur les logiciels (Barrelet/Egloff, LDA 16 N 24; Neff/Arn, 270). L’éventuelle cession des droits d’auteur dépendait au contraire de l’existence et de l’interprétation des divers accords conclus entre les parties, y compris entre la demanderesse et la première défenderesse, parmi lesquels figurait le contrat-cadre des 20 et 26 septembre 2000 (Neff/Arn, 269).

Le fait que la banque devait recevoir les codes-sources du e-banking permettait néanmoins d’en déduire logiquement qu’elle était autorisée à modifier les logiciels en question et à les décompiler, sous réserve de programmes, de sous-programmes ou de macro-instructions dont la demanderesse aurait spécifiquement interdit qu’ils soient l’objet de telles interventions (Neff/Arn, 270).

Or, l’instruction de la cause a révélé qu’aucune liste de produits standards de la demanderesse n’a été établie selon les conditions posées par l’art. 6.1 du contrat-cadre des 20 et 26 septembre 2000, sur lesquels celle-ci se serait réservé un droit de propriété et de jouissance exclusif. L’administrateur de la demanderesse a encore prétendu que les programmes de e-banking fonctionnaient au moyen de macro-instructions ou de sous-programmes conçus par sa société, au sens de l’art. 6.2 du contrat-cadre. Aucune énumération des macro-instructions ou des sous-programmes, de leurs fonctions ainsi que de leurs caractéristiques n’a toutefois été communiquée dans la présente cause, de sorte qu’il est impossible de discerner s’ils ont été affectés par le décryptage entrepris des programmes de e-banking ou encore si la légère correction d’un des logiciels effectuée le dimanche 8 février 2004 a porté sur une macro-instruction, alternativement sur un sous-programme.

Les prétentions de la demanderesse seront en conséquence rejetées, puisqu’il n’a pas été établi que des droits d’auteur dont elle serait restée la titulaire ont effectivement été violés à l’occasion de la décompilation qui a eu lieu.

6. Pour les mêmes raisons, il est impossible de discerner si le décryptage entrepris a porté atteinte à un secret de fabrication au sens de l’art. 6 LCD. Dès lors que la demanderesse avait le droit de procéder à la décompilation des programmes de ebanking sous l’angle de la LDA, l’intervention effectuée durant le week-end des 7-8 février 2004, pour résoudre les problèmes rencontrés dans l’exploitation du système informatique, ne saurait enfin être assimilée à l’exploitation indue des prestations de la demanderesse, selon l’une des définitions proposées à l’art. 5 LDA.

Quelle: sic! 2010 p. 23 ff.
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