Faits :
A.
A.a X.________ SA, de siège à Plan-les-Ouates, est spécialisée dans la distribution de fournitures pour laboratoires. Au début du printemps 2000, elle a souhaité moderniser son système informatique installé en 1995, de manière à répondre à ses besoins. (…).
Y.________ SA, à …, a développé un progiciel de gestion dénommé „Y.________ Client/Server Windows“. (…)
A.b Le produit présenté par Y.________ SA se définit comme un progiciel de gestion intégrée, qui recouvre les principales fonctions nécessaires à la gestion des flux et des procédures d’une entreprise. Le paramétrage qu’il prévoit permet des adaptations en fonction des besoins spécifiques du client.
B.
B.a (…) Le total du projet était chiffré à 210’000 fr. et comprenait un montant de 53’766 fr. pour du matériel – composé de serveurs, d’imprimantes et de compléments au réseau. Ce dernier montant ressortait d’une offre annexée de Z.________ Sàrl, de siège à Neuchâtel, établie au nom de X.________ SA. L’offre en question avait déjà été remise le 25 mai 2000 à A.________ par E.________, associé gérant de la société neuchâteloise, sur un courrier à l’en-tête de Y.________ SA, dont il était également l’employé. Le projet du 21 juin 2000 indiquait expressément que ce matériel était „à commander directement chez eux“, soit chez Z.________ Sàrl.
B.b Le 3 juillet 2000, X.________ SA, par l’intermédiaire de D.________, a accepté l’offre du 21 juin 2000, en indiquant dans un courrier d’accompagnement qu’elle n’avait pas encore commandé le matériel chez Z.________ Sàrl, ce qui serait fait lors des réunions de planification du projet.
B.c (…).
B.d Le 31 août 2000, X.________ SA a reçu l’essentiel du matériel informatique prévu, comme l’atteste un bulletin de livraison établi au nom de Y.________ SA, avec le libellé suivant: „livraison du matériel de Z.________ pour utilisation du logiciel Y.________ selon offre Z.________“, puis contresigné par un des collègues de A.________. (…)
Le 28 septembre 2000, Z.________ Sàrl a adressé au H.________, pour X.________ SA, une facture de 58’615 fr., restée impayée, correspondant au matériel fourni.
B.e L’installation du progiciel „Y.________ Client/Server Windows“ a débuté durant l’été 2000 et, à partir de septembre 2000, des cours de formation ont été dispensés sur place au personnel de l’entreprise par des collaborateurs de Y.________ SA.
(…)
B.f En novembre 2000, X.________ SA, qui ne parvenait pas à tester le progiciel, a demandé à Y.________ SA de reporter de deux ou trois mois la mise en exploitation du système informatique initialement prévue au début de 2001.
Le 1er décembre 2000, Y.________ SA a pris acte de la décision de sa cocontractante, tout en la mettant en garde sur les conséquences de l’annulation des trois derniers rendez-vous, qui risquait de ralentir l’avancement du projet. X.________ SA a nié, cinq jours plus tard, être responsable du retard, imputable au contraire à son interlocutrice.
Le 13 décembre 2000, Y.________ SA a contesté le grief formulé à son encontre et a reproché à X.________ SA ses reports répétés de réunions prévues, l’absence de validation de modèles paramétrés en fonction de ses besoins, enfin, le fait que ses factures étaient sans cesse discutées ou demeuraient impayées, comme celle du 20 octobre relative à la maintenance. X.________ SA a répondu par le truchement de son conseil, le 18 décembre 2000, en rappelant le déroulement des négociations contractuelles, ainsi que le contenu de l’accord signé au mois de juillet, puis les lacunes apparues dès le début du développement, les carences au niveau de la formation et l’absence d’un paramétrage suffisant, ce qui empêchait le personnel de s’exercer. Elle déclarait donc résoudre le contrat d’entreprise conclu et mettait le fournisseur du progiciel en demeure de lui restituer l’acompte de 80’000 fr. déjà versé, majoré d’intérêts.
C.
Le 17 octobre 2001, X.________ SA a ouvert action devant le Tribunal de première instance du canton de Genève contre Y.________ SA, en remboursement de l’acompte de 80’000 fr. calculé à hauteur de 81’951 fr.55 à la date du 18 décembre 2000, plus intérêts moratoires, et aux fins de faire constater qu’elle était libérée de toute obligation à l’égard de sa partie adverse. Elle reprochait à celle-ci son incapacité à lui fournir un système informatique opérationnel et conforme aux spécifications contractuelles, ce qui l’autorisait à résoudre l’accord en application de l’art. 368 CO.
Y.________ SA a contesté la demande et conclu reconventionnellement au versement, avec intérêts, des montants suivants:
– 40’975 fr. 80 correspondant à sa facture du 28 novembre 2000;
– 2’160 fr. 75 correspondant à l’ensemble des factures pour les cours de formation;
– 6’288 fr. 75 pour la maintenance du système informatique durant le dernier trimestre 2000;
– 25’178 fr. 40 pour la maintenance 2001;
– 38’815 fr. au titre de bénéfice manqué.
Le 26 juin 2002, Z.________ Sàrl a, de son côté, ouvert action devant le même tribunal contre X.________ SA, en paiement de 58’615 fr., plus intérêts, pour le prix du matériel livré. X.________ SA s’est opposée à cette prétention, en objectant derechef que sa partie adverse avait agi en qualité de sous-traitant de Y.________ SA.
Les deux causes ont été jointes. Le Tribunal a entendu les parties en comparution personnelle, puis des enquêtes ont eu lieu.
Par jugement du 11 mars 2004, le Tribunal a débouté X.________ SA de sa demande tendant à la restitution de l’acompte de 80’000 fr. versé et l’a condamnée à payer avec intérêts et suite de dépens:
– à Z.________ Sàrl 58’615 fr. pour le prix du matériel;
– à Y.________ SA les sommes de 40’975 fr.80 et 2’160 fr.75 correspondant aux factures envoyées en novembre 2000 pour le progiciel et les cours de maintenance, ainsi que 38’815 fr. pour son bénéfice manqué. (…)
D.
X.________ SA a interjeté un appel contre ce jugement. Y.________ SA a également déposé un appel incident, faisant valoir que le jugement de première instance avait omis de prendre en compte le montant de 6’288 fr.75.
Par arrêt du 28 septembre 2006, la Cour de justice a confirmé le jugement attaqué en ce qu’il condamnait X.________ SA à payer à Z.________ Sàrl le prix du matériel livré, soit le montant de 58’615 francs. La cour cantonale a considéré, avec les premiers juges, que les parties étaient directement liées par un contrat de vente. En ce qui concerne les relations entre X.________ SA et Y.________ SA, les juges ont retenu en substance que ces parties étaient liées par un contrat mixte comportant des éléments des contrats de vente, de licence, de mandat et d’entreprise. Ils ont appliqué les règles du contrat d’entreprise aux prestations litigieuses d’installation et de paramétrage du progiciel. Comme les premiers juges, la juridiction cantonale a admis que X.________ SA avait résilié le contrat selon l’art. 377 CO et qu’elle devait indemniser l’entrepreneur de l’intérêt à l’exécution complète du contrat. Cependant, il a été admis que Y.________ SA était responsable très partiellement des avatars rencontrés lors de la réalisation du projet, de sorte que la cour cantonale a réduit de 10% les montants qui lui étaient dus, correspondant à la somme de 71’416 fr.30, avec intérêts à 5% l’an dès la date moyenne du 1er janvier 2001.
E.
Parallèlement à un recours de droit public, X.________ SA exerce contre l’arrêt du 28 septembre 2006 un recours en réforme pour violation des art. 1 CO et 3 CC, ainsi que des art. 44 et 377 CO. Elle conclut à l’annulation de l’arrêt attaqué et à sa réforme, en ce sens qu’il soit constaté que le contrat la liant à Y.________ SA a été résilié, qu’elle est libérée de toute obligation à l’encontre de Y.________ SA et de Z.________ Sàrl, que Y.________ SA soit condamnée à lui rembourser la somme de 81’951 fr.55 avec intérêts et que la mainlevée provisoire à l’opposition formée au commandement de payer notifié à Y.________ SA soit prononcée. X.________ SA conclut encore au rejet de la conclusion reconventionnelle formée par Y.________ SA, ainsi qu’au rejet de la demande en paiement formée par Z.________ Sàrl.
Les intimées concluent chacune séparément au rejet du recours pour autant qu’il soit recevable.
Par arrêt de ce jour, le Tribunal fédéral a rejeté le recours de droit public formé parallèlement par X.________ SA à l’encontre de l’arrêt du 28 septembre 2006.
Le Tribunal fédéral considère en droit:
1. (…)
2.
La recourante se plaint tout d’abord d’une violation des art. 1 CO et 3 CC. Elle fait valoir que la cour cantonale a admis à tort qu’il existait un rapport contractuel direct entre elle et l’intimée Z.________ Sàrl. Elle soutient que celle-ci était la sous-traitante de l’autre intimée, Y.________ SA. Elle n’aurait ainsi contracté qu’avec cette dernière, par l’intermédiaire de E.________, lequel était associé-gérant de Z.________ Sàrl et employé de Y.________ SA.
2.1 (…)
2.2 L’art. 1 al. 1 CO prévoit que „le contrat est parfait lorsque les parties ont, réciproquement et d’une manière concordante, manifesté leur volonté“, cette manifestation de volonté pouvant être expresse ou tacite (al. 2). Elle est si nécessaire interprétée selon le principe de la confiance (art. 18 CO). Ces déclarations de volonté doivent être réciproques notamment quant aux personnes, c’est-à-dire que l’offre et l’acceptation doivent émaner et être adressées aux mêmes personnes.
Lorsqu’un client commande un système informatique, dont les éléments, hardware et software, doivent être livrés par différents fournisseurs, la question se pose de savoir si les prestations de service convenues font l’objet de contrats séparés avec chacun de ces fournisseurs. Il convient donc d’examiner si la recourante a conclu un accord indépendant et distinct avec l’intimée Z.________ Sàrl ou si celle-ci n’a agi qu’en qualité de sous-traitante de l’intimée Y.________ SA.
A cet égard, il ressort de l’état de fait, qui lie le Tribunal fédéral, qu’une offre provenant de l’intimée Z.________ Sàrl a été établie, le 25 mai 2000, au nom de la recourante. De même, le 21 juin 2000, l’intimée Y.________ SA a joint à son troisième projet l’offre établie le 25 mai 2000 par l’intimée Z.________ Sàrl, en précisant expressément que ce matériel était à commander directement chez celle-ci. Le 3 juillet 2000, D.________ a signé l’offre du 21 juin 2000 au nom de la recourante. Le 25 juillet 2000, l’offre du 25 mai 2000 a également été acceptée par la recourante, qui s’est adressée directement à l’intimée Z.________ Sàrl. Le 31 août suivant, la recourante a reçu l’essentiel du matériel informatique prévu. Un bulletin de livraison a été établi au nom de l’intimée Y.________ SA, avec le libellé suivant: „livraison du matériel de Z.________ pour utilisation du logiciel Y.________ selon offre Z.________“, puis contresigné par un des collègues de A.________.
Il résulte de ce qui précède que la recourante savait que les deux intimées constituaient des entités juridiques distinctes. Elle a été informée qu’il lui incombait de commander le matériel hardware directement chez l’intimée Z.________ Sàrl. L’offre émanait de cette intimée, et c’est à elle seule que la recourante a adressé son acceptation. La réciprocité des parties est ainsi donnée.
Peu importe, comme le soutient la recourante, qu’elle n’ait traité qu’avec E.________, lequel revêtait à la fois la fonction d’associé gérant de l’une des intimées et celle d’employé à temps partiel de l’autre. Il ressort de ce qui précède que la recourante n’a fait aucune confusion entre les deux sociétés et qu’elle a considéré d’emblée la seconde comme un fournisseur distinct de la première. Cet élément est étayé par le fait – postérieur à la conclusion du contrat, qui relève de l’interprétation subjective et qui, partant, lie le Tribunal fédéral – que la recourante n’a pas réagi à la facture adressée par l’intimée Z.________ Sàrl à H.________ le 28 septembre 2000, ce qu’elle n’aurait pas manqué de faire si elle était dans l’erreur quant à la personne de son partenaire contractuel.
La cour cantonale n’a donc pas violé le droit fédéral en considérant qu’il existait un contrat distinct entre la recourante et l’intimée Z.________ Sàrl. Le recours doit donc être rejeté sur ce point.
3.
La recourante invoque ensuite la violation des art. 44 et 377 CO dans ses relations avec l’intimée Y.________ SA.
3.1 L’intimée Y.________ SA s’est engagée, moyennant paiement, à livrer à la recourante un progiciel standard de gestion, ainsi qu’à accorder à cette dernière des droits de licence sur ce progiciel. Elle s’est également engagée à installer le progiciel et à en individualiser les fonctions selon les besoins de la recourante, à reprendre les données figurant sur l’ancien système, à former les utilisateurs et à assurer la maintenance des logiciels.
Les deux instances cantonales ont retenu à juste titre que ce contrat se définit comme un contrat mixte, les diverses prestations promises ressortissant soit au contrat de licence, soit au contrat de vente, soit au contrat d’entreprise.
En l’espèce, le litige porte sur les problèmes rencontrés lors de l’individualisation des fonctions du progiciel. Cette adaptation du progiciel aux besoins de la recourante devait nécessiter plusieurs jours de travail et représentait ainsi une partie importante des prestations de l’intimée Y.________ SA. Cet élément permet de distinguer le cas d’espèce de celui publié à l’ATF 124 III 456, dans lequel le Tribunal fédéral a appliqué les règles de la vente à la livraison de hardware et de software clé en main. En l’espèce, compte tenu des importantes prestations d’adaptation et d’individualisation du progiciel, il convient au contraire d’appliquer par analogie les règles sur le contrat d’entreprise.
3.2 Selon les constatations de fait qui lient le Tribunal fédéral, la recourante a rompu ses liens contractuels avec l’intimée Y.________ SA en décembre 2000, alors que le paramétrage du progiciel n’était pas achevé et avant le délai fixé pour la mise en exploitation du système informatique, prévue initialement au début de l’année 2001, puis reportée de deux ou trois mois. Il s’ensuit que la livraison du système informatique n’avait pas encore eu lieu, puisqu’elle suppose que tous les travaux aient été exécutés (ATF 94 II 161 consid. 2c), et les règles sur la garantie des défauts ne s’appliquent pas.
Par ailleurs, la cour cantonale a constaté, de manière à lier le Tribunal fédéral, que le délai reporté prévu pour la mise en exploitation du système informatique paraissait très ambitieux, mais pas complètement irréaliste, et qu’il n’apparaissait pas que le progiciel était défectueux ni que le paramétrage déjà réalisé aurait été mal exécuté. Les allégations de la recourante, selon lesquelles l’intimée Y.________ SA n’était pas en mesure de fournir le résultat convenu, sont en contradiction avec les constatations de fait qui lient le Tribunal fédéral. L’art. 366 CO qui permet au maître de résoudre le contrat en cas de retard dans l’exécution, ou en cas de défaut anticipé, ne s’applique donc pas. La recourante ne prétend d’ailleurs pas qu’elle a respecté les incombances de cette disposition.
Par conséquent, c’est bien sous l’angle de l’art. 377 CO qu’il convient d’examiner les prétentions des parties.
3.3 Aux termes de l’art. 377 CO, tant que l’ouvrage n’est pas terminé, le maître peut toujours se départir du contrat, en payant le travail fait et en indemnisant complètement l’entrepreneur. Ce droit de résolution se caractérise comme un droit de résiliation sortissant un effet ex nunc. Il appartient au maître en tout temps, aussi longtemps que l’ouvrage n’est pas terminé. En contrepartie de ce droit, le maître est tenu d’indemniser l’entrepreneur de son dommage positif, soit son intérêt à l’exécution complète, y compris le bénéfice manqué (ATF 117 II 273).
Le présent litige pose la question de savoir dans quelle mesure et à quelles conditions le maître qui met un terme anticipé au contrat sur la base de l’art. 377 CO peut exercer ce droit sans avoir à indemniser complètement l’entrepreneur.
3.3.1 La jurisprudence fédérale a fluctué. Ainsi, après avoir admis dans un arrêt déjà ancien que l’obligation du maître tombe lorsque la condamnation du maître aux prestations légales serait manifestement d’une rigueur excessive (ATF 69 II 139), le Tribunal fédéral a laissé indécise la question de savoir s’il fallait reconnaître au maître un droit de résilier le contrat pour justes motifs – en dehors de l’art. 377 CO – à l’ATF 117 II 273 consid. 4a.
Dans ces deux arrêts, le Tribunal fédéral a en revanche considéré que l’obligation du maître de réparer le dommage, prévue à l’art. 377 CO, peut être allégée par application analogique des art. 43 et 44 CO combinée avec l’art. 99 al. 3 CO. Dans les deux cas, il a toutefois été retenu que les circonstances de l’espèce n’étaient pas de nature à justifier une telle réduction.
A l’ATF 96 II 192 consid. 8, le Tribunal fédéral a jugé que l’indemnité due selon l’art. 377 CO ne peut pas être réduite en application de l’art. 44 al. 1 CO, s’il est reproché à l’entrepreneur d’avoir provoqué la résiliation par son retard ou par une mauvaise exécution des travaux, car ces éventualités tombent sous le coup des règles spéciales de l’art. 366 CO.
Enfin, dans un arrêt récent, le Tribunal fédéral a admis, sans se référer à l’art. 44 CO, que l’existence d’un juste motif de résiliation pouvait entraîner la suppression, voire la réduction, de l’indemnité due selon l’art. 377 CO (arrêt 4C.387/2001 du 10 septembre 2002, consid. 6.2 et 6.5 in fine), tout en niant l’existence d’un juste motif dans les circonstances de ce cas.
3.3.2 La doctrine majoritaire est d’avis que le juge doit pouvoir réduire, voire supprimer, l’indemnité due à l’entrepreneur sur la base de l’art. 377 CO, lorsque le maître a de justes motifs de se départir du contrat (Peter Gauch, Le contrat d’entreprise, adaptation française par Benoît Carron, Zurich 1999, n. 568 ss; François Chaix, Commentaire romand, n. 17 ss ad art. 377 CO; François Dessemontet, Les contrats de service, RDS 1987 II 93 ss, 196; Gaudenz G. Zindel/Urs Pulver, Commentaire bâlois, n. 18 ad art. 377 CO; contra: Georg Gautschi, Commentaire bernois, n. 17 ad art. 377 CO).
Comme le relève pertinemment Gauch (op. cit, n. 568), la question n’est pas de savoir si le maître dispose d’un droit de résiliation pour justes motifs en dehors de l’art. 377 CO, mais bien ce qu’il en est des conséquences de la résiliation selon l’art. 377 CO, notamment de l’obligation d’indemniser, lorsque le maître a de justes motifs de se départir du contrat. Il se justifie parfois de libérer le maître d’une telle obligation, entièrement ou partiellement, sans qu’il importe de savoir si cette libération se fonde sur une application analogique des art. 43 s. CO ou sur l’art. 377 CO complété au moyen d’une règle appropriée (Gauch, op. cit., n. 570).
3.3.3 Au vu de la jurisprudence citée ci-dessus et en accord avec l’opinion de la doctrine majoritaire, il convient d’admettre que l’indemnité due à l’entrepreneur, en cas de résiliation selon l’art. 377 CO, puisse faire l’objet d’une réduction, si les circonstances de l’espèce le justifient.
La question dogmatique du fondement légal d’une telle réduction peut en l’état rester ouverte, dans la mesure où la recourante invoque à l’appui de la résiliation le comportement fautif de l’entrepreneur, lequel tombe aussi bien dans la définition du juste motif retenu par le Tribunal fédéral selon l’art. 377 CO que dans le champ d’application de l’art. 44 CO.
Dans l’arrêt du 10 septembre 2002 (4C.387/2001) susmentionné, le Tribunal fédéral a précisé que l’existence d’un juste motif de résiliation, et son incidence sur l’obligation d’indemniser du maître, sont des questions d’appréciation à trancher selon les règles du droit et de l’équité. De façon générale, l’existence de justes motifs ne saurait être admise à la légère. Il s’agit de circonstances, qui rendent la continuation du contrat insupportable pour le maître et qui sont – en principe – imputables à l’entrepreneur (consid. 6.2). Gauch fait état d’un comportement répréhensible de l’entrepreneur, qui rend la continuation du contrat intolérable pour le maître (op. cit., n. 574 ss).
Quant à l’art. 44 CO, auquel s’est référé la cour cantonale dans l’arrêt attaqué, il prévoit que le juge peut réduire les dommages et intérêts, ou même n’en point allouer, lorsque la partie lésée a consenti à la lésion ou lorsque des faits dont elle est responsable ont contribué à créer le dommage, à l’augmenter, ou qu’ils ont aggravé la situation du débiteur. Une faute concomitante du lésé doit être retenue si ce dernier, par son comportement, a contribué dans une mesure importante à créer ou aggraver le dommage, alors que l’on aurait pu attendre raisonnablement de tout tiers se trouvant dans la même situation de prendre des mesures de précaution, susceptibles d’écarter ou de réduire ce dommage (cf. ATF 128 II 49 consid. 3.1 et consid. 4.2; 124 II 8 consid. 5c; 123 II 210 consid. 3b). L’art. 44 al. 1 CO laisse au juge un large pouvoir d’appréciation (ATF 127 III 453 consid. 8c).
Il convient ainsi de retenir, par application analogique de l’art. 44 CO, que l’entrepreneur ne peut se voir opposer une réduction de l’indemnité due selon 377 CO que s’il a, par son comportement fautif, contribué dans une mesure importante à l’événement qui a poussé le maître à se départir du contrat.
Un tel juste motif, ou cause de réduction, ne peut pas résider dans la mauvaise exécution ou dans les retards imputables à l’entrepreneur qui surviennent en cours de travaux. Le Tribunal fédéral y a répondu par la négative à l’ATF 96 II 192, ces éventualités tombant sous le coup de l’art. 366 CO. Il a répété dans un arrêt ultérieur que cette situation est traitée de manière complète à l’art. 366 CO (ATF 126 III 230). Il faut en déduire que si le maître a la possibilité de résilier le contrat selon une disposition spécifique, et qu’il ne le fait, et résilie le contrat selon l’art. 377 CO, il ne peut pas se libérer des conséquences légales de cette disposition, même en cas de justes motifs (voir Gauch, op. cit., n. 579). Cette exclusion ne s’applique pas en l’espèce puisque, comme on l’a vu, les conditions de l’art. 366 CO ne sont pas remplies (consid. 3.2).
3.4 Il convient donc de vérifier si, comme le prétend la recourante, l’on peut reprocher à l’intimée Y.________ SA d’avoir rendu intolérable la continuation des rapports contractuels, de telle façon qu’il se justifie de supprimer tout droit à réparation du dommage dû à l’entrepreneur.
Le juge dispose d’un large pouvoir d’appréciation s’agissant d’admettre l’existence d’un juste motif. Il en va de même en cas d’application de l’art. 44 CO. Le Tribunal fédéral n’intervient pour sanctionner une violation du droit fédéral que si le juge est sorti des limites que la norme lui fixe, s’il n’a pas tenu compte de critères pertinents, s’il s’est laissé guider par des considérations étrangères à la disposition applicable ou s’il a fait de son pouvoir un usage choquant et inexplicable, au point que l’on doive parler d’un abus du pouvoir d’appréciation (Bernard Corboz, Le recours en réforme, SJ 2000 II 1 ss, p. 38 s.).
Selon l’état de fait qui lie le Tribunal fédéral, les causes essentielles des problèmes rencontrés en automne 2000, et qui ont conduit à la rupture des relations contractuelles, résident dans les insuffisances de la migration des données et du paramétrage du progiciel de l’intimée Y.________ SA. Le contrôle et la validation de la migration des données dans le progiciel n’ont pas été effectués; certains champs n’avaient pas été complétés. A dire d’expert, les tâches liées au paramétrage incombaient conjointement aux deux parties et étaient habituellement contrôlées au sein d’un comité de pilotage composé d’au moins un représentant du client et d’un second désigné par le fournisseur. La migration des données aurait pu être complétée dans le délai prévu pour la mise en exploitation, à la condition toutefois que deux utilisateurs avertis soient affectés à plein temps par la recourante au projet, secondé par un collaborateur de l’intimée travaillant à mi-temps pour un total de vingt jours.
Il sied donc d’examiner à quelle partie incombait l’obligation d’effectuer les prestations litigieuses, dont la mauvaise exécution ou l’exécution insatisfaisante a conduit aux lenteurs et problèmes rencontrés. Il s’agit là d’une question de droit, que le Tribunal fédéral revoit librement.
Il ressort des offres adressées par l’intimée à la recourante que la première s’est engagée à installer le progiciel et à le paramétrer de manière standard, à reprendre les données existantes et à individualiser les fonctions du progiciel selon le modèle spécifique du client. Il n’apparaît pas, dans les constatations de fait de l’arrêt attaqué, que les obligations de la recourante aient été aussi clairement définies dans les documents contractuels. Cependant, cet élément n’est pas déterminant. En effet, il va de soi, comme l’a confirmé l’expert, qu’un tel paramétrage ne se conçoit pas sans une collaboration entre les parties. Seul le client, en l’espèce la recourante, était à même de déterminer si ses besoins spécifiques avaient bien été pris en compte et donc de valider la migration des données et l’individualisation des fonctions, qui s’effectuaient en diverses étapes. La recourante ne peut de bonne foi prétendre qu’elle ignorait que ces devoirs lui incombaient. Il lui appartenait de clarifier ces éléments lors des négociations contractuelles et de l’établissement des contrats et elle ne saurait imputer ces éventuelles lacunes à l’intimée.
On peut ainsi reprocher à la recourante d’avoir mal exécuté ses obligations de contrôle et de validation du paramétrage déjà effectué, ce qui a conduit aux lenteurs et autres problèmes rencontrés. Le fait que la recourante ait refusé de spécifier ses besoins dans un cahier des charges écrit n’a pu qu’accentuer ces problèmes. Comme l’a jugé avec raison la cour cantonale, cette cause est imputable juridiquement de manière prépondérante à la recourante au vu de la répartition des obligations contractuelles entre les parties. Pour cette raison déjà, il est exclu en l’espèce de supprimer l’indemnité due à l’intimée Y.________ SA.
Il ressort encore du dossier que, de manière générale, la coopération et l’information entre les parties n’ont pas été optimales et il est concevable que cela ait pu conduire à une perte de confiance entre les parties, qui a amené la recourante à mettre un terme à leurs relations contractuelles. Toutefois, une telle perte de confiance ne permet pas en soi de déroger au système de l’art. 377 CO, qui constitue une exception au principe de la fidélité contractuelle et qui doit être interprété strictement. De même, tout grief même objectivement défendable ne suffit pas. Il faut que l’entrepreneur ait eu un comportement répréhensible, qui a contribué de manière importante à la rupture (Gauch, op. cit., n. 575). Or, l’état de fait ne permet pas de reprocher à l’intimée un tel comportement. Les défauts de coordination entre les parties et la mauvaise compréhension entre elles sont imputables aux deux parties et non pas, de manière prépondérante et répréhensible, à l’intimée. Pour cette raison, une suppression totale de toute indemnité due, comme le réclame la recourante, n’entre pas en considération, et le recours doit être rejeté sur ce point.
3.5 Il reste toutefois à examiner, en vertu du principe in majore minus, si une réduction de l’indemnité plus importante que 10% s’impose. En revanche, en l’absence de tout recours joint, il n’y a pas lieu d’analyser si cette réduction doit être supprimée.
La cour cantonale a considéré qu’il se justifiait de réduire de 10% l’indemnité due à l’intimée Y.________ SA, parce que l’on pouvait reprocher à cette dernière de ne pas avoir réagi plus tôt et plus énergiquement, en sommant la recourante de participer plus activement aux opérations indispensables et en insistant pour qu’un comité de pilotage soit constitué. On peut souscrire à ce raisonnement. Il ressort de ce qui précède que l’exécution d’un certain nombre d’opérations était à charge de la recourante et qu’elles étaient indispensables à l’avancement du projet. Dans ces conditions, il incombait à l’intimée d’aviser formellement la recourante, selon l’art. 369 CO, que sa passivité entravait la bonne exécution de l’ouvrage, et elle devait la sommer d’exécuter ses obligations. Certes, dans une lettre du 13 décembre 2000, l’intimée a reproché à la recourante ses reports répétés de réunions prévues, ainsi que l’absence de validation de modèles paramétrés en fonction de ses besoins. Il est toutefois douteux que ce courrier constitue un avis formel couvrant tous les aspects précités et, de surcroît, il apparaît bien tardif compte tenu des problèmes rencontrés jusque-là. On peut ainsi admettre que l’intimée a violé le devoir d’avis qui lui incombait et qu’elle a aggravé par là la situation de la recourante, de sorte qu’il est justifié de réduire l’indemnité qui lui est due.
Au vu de l’ensemble des circonstances, une réduction de 10% telle qu’opérée par la cour cantonale, est équitable. Elle demeure en tous les cas dans les limites du pouvoir d’appréciation conféré au juge par l’art. 44 CO.
Au vu de ce qui précède, la cour cantonale n’a pas violé les art. 377 et 44 CO en opérant une réduction de 10% de l’indemnité due à l’intimée Y.________ SA, et le recours doit être rejeté.
(…)
4C.393/2006 /ech
Quelle: www.bger.ch
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