Ordonnance de mésure superprovisionelles Cour Civil Kanton Waadt vom 2. September 2013 / 60/2013/PHC

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Nicht amtliche Leitsätze: Örtliche Zuständigkeit bei Urheberrechtsverletzung und Klagen aus unlauterem Wettbewerb im internationalen Verhältnis. Der individualle Charakter eines Computerprogramms liegt vor, wenn es neu bzw. aus der Sicht eines Fachmanns nicht als banal zu werten ist, es sich von anderen vorbestehenden Programmen unterscheidet und es nicht Resultat einer einfachen Routinearbeit ist. Anwendung von Art. 5 lit. c UWG.

Vu la requête de mesures provisionnelles et superprovisionnelles déposée le 26 août 2013 par la requérante B.________ SA contre les intimés W.________ et K.________ Corp. et reçue au greffe de la Cour civile le 28 août 2013,

[…]

attendu que la requérante invoque à l’appui de ses conclusions la loi fédérale du 9 octobre 1992 sur le droit d’auteur et les droits voisins (LDA, RS 231.1) ainsi que la loi fédérale du 19 décembre 1986 contre la concurrence déloyale (LCD, RS 241),

qu’en bref, elle soutient que les intimés proposent en particulier à la vente des cours informatisés interactifs sur lesquels elle dispose de droits d’auteur et que ce comportement viole la clause de confidentialité qu’elle a conclue avec son ancien employé, l’intimé W.________;

attendu que la cause présente un élément d’extranéité (TF 4A_594/2009 du 27 juillet 2010 c. 2.1; ATF 131 III 36 c. 2.3, JT 2005 I 402), l’intimée ayant son siège à Orlando (Floride, Etats-Unis),
que l’art. 1 al. 2 LDIP (loi fédérale du 18 décembre 1987 sur le droit international privé, RS 291) réserve les traités internationaux,

qu’il n’existe pas de convention avec les Etats-Unis réglant la question de la compétence, de sorte que la LDIP s’applique,

que l’art. 109 al. 2 LDIP prévoit que les actions portant sur la violation de droits de propriété intellectuelle peuvent être intentées devant les tribunaux suisses du domicile du défendeur ou, à défaut, ceux de sa résidence habituelle, que sont en outre compétents les tribunaux suisses du lieu de l’acte ou du résultat et, pour connaître des actions relatives à l’activité de l’établissement en Suisse, les tribunaux du lieu de l’établissement,

que l’art. 129 al. 1 LDIP, qui concerne les actes illicites, présente une teneur identique,

qu’au sujet du lieu du résultat en matière de violation causée par le biais de sites Internet, on ne peut tenir pour lieu de résultat tous les endroits où le site Internet est accessible, qu’il faut qu’un préjudice soit causé (TF 4C.341/2005 du 6 mars 2007 c. 4.1),

que la jurisprudence prend notamment en considération la langue utilisée (TF 4C.341/2005 du 6 mars 2007 c. 4),

que, dans la mesure où des clients potentiels résidant en Suisse peuvent accéder au site Internet litigieux, on peut admettre que le résultat se produit en Suisse (TF 4A_92/2011 du 9 juin 2011 c. 2),

qu’en l’espèce, le lieu de l’acte n’est pas certain,

que la requérante allègue qu’elle dispose d’une large liste de clients, dont la plupart sont des sociétés suisses ou étrangères actives dans le domaine médical,

qu’il est possible, voire probable que l’intimée K.________ Corp. agisse en Suisse par l’intermédiaire de son administrateur, l’intimé W.________, qui est domicilié en Suisse,

que les courriels envoyés par l’intimé à des clients potentiels de la requérante sont certes rédigés en anglais,

que les courriels litigieux indiquent que l’intimée aurait un „managing director“ à Lutry, savoir […], présenté comme le „contact en Suisse“,

qu’on peut admettre au vu de ce qui précède que la requérante a des clients au moins potentiels en Suisse et que l’intimée se prépare au moins à agir en Suisse,

que la compétence des autorités judiciaires vaudoises apparaît donnée à l’égard de l’intimé, qui a son domicile en Suisse, et de l’intimée, pour les motifs qui précèdent;

attendu que le juge de céans est compétent pour connaître de la requête de mesures superprovisionnelles et provisionnelles du 26 août 2013 en application des art. 5 al. 1 let. a et d, 5 al. 2 et 13 CPC ainsi que de l’art. 43 al. 1 let. e CDPJ (Code de droit privé judiciaire vaudois du 12 janvier 2010, RSV 211.02) et de l’art. 74 al. 3 LOJV (loi d’organisation judiciaire du 12 décembre 1979, RS 173.01);

attendu que le tribunal ordonne les mesures provisionnelles nécessaires lorsque le requérant rend vraisemblable qu’une prétention dont il est titulaire est l’objet d’une atteinte ou risque de l’être, et que cette atteinte risque de lui causer un préjudice difficilement réparable (art. 261 al. 1 CPC),
qu’en cas d’urgence particulière, notamment s’il y a risque d’entrave à leur exécution, le tribunal peut ordonner des mesures provisionnelles immédiatement, sans entendre la partie adverse (art. 265 CPC),

que celles-ci peuvent être révoquées ou modifiées s’il s’avère par la suite qu’elles sont injustifiées ou que les circonstances se sont modifiées (art. 268 al. 1 CPC) (Bohnet, Code de procédure civile commenté, Bâle 2011, n. 8 ad art. 268 CPC);

attendu que la requérante fonde sa légitimation sur l’art. 62 al. 3 LDA,

qu’elle soutient avoir conclu des contrats de licence exclusifs avec les spécialistes qui lui fournissent des cours bruts,

que l’art. 62 al. 3, 1ère phr., LDA prévoit que „la personne qui dispose d’une licence exclusive peut elle-même intenter l’action pour autant que le contrat de licence ne l’exclue pas explicitement,

que, seul celui qui est au bénéfice d’une licence exclusive acquiert le droit d’agir en son nom propre (FF 2006 I, 05.082, Message concernant la modification de la loi sur les brevets et l’arrêté fédéral portant approbation du Traité sur le droit des brevets et du Règlement d’exécution, pp. 119 et 123),

qu’en l’espèce, la requérante propose des cours en ligne spécialisés dans le domaine des dispositifs médicaux,

qu’elle mandate à cet effet des spécialistes („subject matter experts“) chargés de lui livrer un cours brut („raw material“), qu’elle transforme en cours informatisé interactif,

que les contrats que la requérante a conclu avec les spécialistes ne font pas, ou du moins pas explicitement, mention d’une clause d’exclusivité,

que la requérante allègue d’ailleurs que, selon les contrats, les spécialistes restent titulaires des droits de propriété intellectuelle liés aux cours bruts qu’ils créent (all. 16),

que la requérante n’apparaît dès lors pas légitimée a agir en protection des cours bruts fournis par ses spécialistes,

qu’il apparaît que la requérante ne propose pas les cours bruts à la vente, mais qu’elle les transforme afin de les commercialiser sous forme d’un cours informatisé interactif,

qu’en d’autres termes, elle met en vente des logiciels basés sur ces cours bruts,

que la requérante a ainsi la qualité pour agir en protection de l’utilisation supposée abusive de ses logiciels;

attendu que la requérante se plaint du fait que les intimés ont reproduit et mis en circulation illicitement et à des fins commerciales des produits pour lesquels elle détient des droits d’auteur,

que la loi sur le droit d’auteur protège l’auteur d’une oeuvre, par laquelle on entend, qu’elles qu’en soient la valeur ou la destination, toute création de l’esprit, littéraire ou artistique, qui a un caractère individuel (art. 2 al. 1 LDA),

que les oeuvres dérivées d’une ou plusieurs oeuvres préexistantes reconnaissables dans leur caractère individuel sont protégées pour elles-mêmes (art. 3 al. 1 et 3 LDA),

que l’auteur a un droit exclusif sur son oeuvre et le droit de faire reconnaître sa qualité d’auteur (art. 9 al. 1 LDA) et a notamment le droit de décider si, quand et de quelle manière son oeuvre sera utilisée, modifiée ou utilisée pour la création d’une oeuvre dérivée (art. 10 al. 1 et 11 al. 1 LDA).

que la protection des logiciels est expressément prévue par la loi sur le droit d’auteur, qui considère les programmes d’ordinateurs (logiciels) comme des oeuvres et les protège comme telles (art. 2 al. 3 LDA) (cf. Barrelet/Egloff, Le nouveau droit d’auteur, 3ème éd., n. 23 ad art. 2 LDA; Perret, La nouvelle loi fédérale sur le droit d’auteur et les droits voisins du 9 octobre 1992, in SJ 1995, pp. 17 ss, spéc. p. 30; Dessemontet, Le droit d’auteur, p. 84 ss),

que la notion de logiciel englobe toute procédure achevée rédigée dans une langue de programmation et servant à résoudre une tâche déterminée, de nature utilitaire ou ludique (Barrelet/ Egloff, op. cit., n. 24 ad art. 2 LDA),

que tout logiciel ne peut cependant pas bénéficier de la protection de la loi sur le droit d’auteur : pour être protégé et à l’instar des autres oeuvres, le logiciel doit en effet constituer une création de l’esprit ayant un caractère individuel (cf. art. 2 al. 1 LDA) (Dessemontet, op. cit., pp. 91 s.; Martin-Achard/Schrenzel, Droit d’auteur, FJS 635, p. 13),

qu’on reconnaîtra un caractère individuel à un logiciel quand il est nouveau, c’est-à-dire quand, du point de vue des professionnels, il ne peut être qualifié de banal (Barrelet/Egloff, op. cit., n. 25 ad art. 2 LDA; Widmer, Der urheberrechtliche Schutz von Computerprogrammen, RDS 1993 I 247, spéc. pp. 252 s.),

qu’ainsi, un logiciel est individuel ou original lorsqu’il se distingue des autres logiciels existants et qu’il n’est pas le résultat d’un simple travail de routine (Martin-Achard/Schrenzel, loc. cit.),

qu’en l’espèce, dans le cadre d’un examen prima facie, on considère que les programmes vendus par la requérante présentent le degré d’individualité requis par la loi sur le droit d’auteur,

qu’à l’appui de sa requête, la requérante produit les versions du cours brut d’un de ses spécialistes retravaillées respectivement par ses soins et ceux des intimés,

que leur examen permet de constater un contenu similaire, à l’exception du logo de la requérante, qui ne figure pas sur le cours informatisé interactif proposé par les intimés,

qu’on considère, au stade des mesures superprovisionnelles, que le comportement des intimés viole le droit d’auteur de la requérante;

attendu que la requérante fonde également sa requête sur une violation par les intimés de l’art. 5 let. a LCD,

que l’art. 5 dispose qu’agit de façon déloyale celui qui, notamment : exploite de façon indue le résultat d’un travail qui lui a été confié, par exemple des offres, des calculs ou des plans (let. a), qui exploite le résultat du travail d’un tiers, par exemple des offres, des calculs ou des plans, bien qu’il sache que ce résultat lui a été remis ou rendu accessible de façon indue (let. b), qui reprend grâce à des procédés techniques de reproduction et sans sacrifice correspondant le résultat de travail d’un tiers prêt à être mis sur le marché et l’exploite comme tel (let. c),

qu’en l’espèce, les intimés proposant les produits de la requérante à la vente, l’art. 5 let. c LCD semble applicable,

qu’au stade des mesures superprovisionnelles également, on retient que le comportement des intimés constitue un acte de concurrence déloyale;

attendu que la requérante a été alertée le 12 août 2013 du comportement des intimés,

qu’à la lecture d’un courriel du 8 août 2013 de l’intimé W.________ , se présentant comme fondateur de l’intimée K.________ Corp., on constate que ceux-ci font de la publicité pour des produits de la requérante,

que, compte tenu de l’instantanéité du mode de communication utilisé, les intimés peuvent atteindre en très peu de temps les clients potentiels de la requérante,
qu’il y a donc urgence à statuer,

attendu que la requérante rend vraisemblable le préjudice difficilement réparable qu’elle encourt si l’entrave illicite n’est pas immédiatement supprimée,

qu’il se justifie dès lors d’interdire aux intimés le comportement illicite décrit ci-dessus,

que cette interdiction consistant en substance à interdire l’utilisation des produits de la requérante, elle ne saurait nuire aux intimées;

attendu que l’art. 65 LDA dispose que toute personne qui demande des mesures provisionnelles peut en particulier requérir du juge qu’il les ordonne dans l’un des buts suivants : assurer la conservation des preuves (let. a), déterminer la provenance des objets confectionnés ou mis en circulation de manière illicite (let. b), préserver l’état de fait (let. c), assurer à titre provisoire la prévention ou la cessation du trouble (let. d),

que sur la base de cette disposition, il se justifie de requérir de l’intimé W.________ des informations en relation avec son activité et celle de l’intimée K.________ Corp.;

attendu que les conditions de l’octroi des mesures superprovisionnelles sont réunies pour interdire aux intimés leurs comportements illicites à l’endroit de la requérante,

qu’il sied donc de faire droit à la requérante à titre superprovisionnel.

Le juge délégué statuant …[…]

Quelle: http://www.findinfo-tc.vd.ch/justice/findinfo-pub/internet/search/result.jsp?path=CCIV/MPP/20130902094344141_e.html&title=MPP%20/%202013%20/%201&dossier.id=3966768&lines=7

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